- octobre 20, 2025
Stratégie IT : mesurer la valeur, un enjeu clé pour des décisions éclairées
Du pilotage par le budget au pilotage par la valeur
Et si, au lieu de parler uniquement de délais, de budgets et de livrables, on commençait enfin à parler de valeur créée ?
Pendant des années, les DSI ont été perçues comme des centres de coûts. Aujourd’hui, elles sont devenues de véritables business partners, garantes de la performance, de la résilience et de l’innovation des entreprises. Mais face à la multiplication des projets, aux contraintes budgétaires et aux attentes des métiers, une question cruciale s’impose : comment savoir quels projets créent réellement de la valeur ?

Pourquoi quantifier la valeur ?
Pendant longtemps, les métiers exprimaient leurs besoins et la DSI les implémentait, sans trop se poser de questions.
La feuille de route se construisait sur des priorités métiers, souvent basées sur le ressenti, une intuition des bénéfices… ou parfois simplement sur l’influence politique de certains décideurs.
Mais le rôle de la DSI a profondément changé.
D’une fonction support, elle est devenue un acteur stratégique dont la mission touche tous les métiers de l’entreprise :
- Contribuer à la performance et à la continuité des opérations,
- Soutenir la stratégie et l’innovation,
- Offrir de nouveaux services aux utilisateurs (clients, partenaires, collaborateurs),
- Garantir la sécurité, la conformité et la résilience,
- Et contribuer activement aux objectifs RSE de l’entreprise.
Cet élargissement du périmètre a eu une conséquence directe : l’explosion du nombre de projets et de demandes.
Les DSI doivent désormais arbitrer entre des initiatives nombreuses et légitimes, tout en maîtrisant leurs coûts et en maximisant la valeur apportée à l’entreprise.
Et la valeur, justement, ne réside pas seulement dans ce que l’on produit.
Elle se crée aussi dans ce qu’on évite : inefficacités, risques, etc.
➡️ Dès lors, comment prioriser les investissements ? Comment déterminer le ROI d’un projet ? Comment garantir qu’un projet sera réellement utile à l’entreprise ?
Pourquoi les métiers échouent-ils à quantifier la valeur ?
De nombreuses entreprises ont tenté de répondre à cette question en demandant aux métiers de produire des business cases avant de soumettre leurs projets à la DSI.
Mais ce processus, souvent mal compris, a généré beaucoup de frustration :
À quoi bon ? Je connais mon métier ! J’ai besoin de cette fonctionnalité, c’est évident !
Les métiers savent exprimer leurs besoins, voire les prioriser. Evaluer la valeur reste cependant un exercice délicat.
Et quand plusieurs directions (RH, Finance, Production, etc.) sont en concurrence pour les mêmes ressources IT, comment comparer objectivement leurs priorités ?
La réponse tient en un mot : référentiel.
➡️ Il faut une base commune pour parler de la valeur entre métiers et DSI.

Une méthodologie en 5 étapes pour des métriques qui parlent aux métiers
Étape 1 – Parler valeur avec les métiers
Avant de mesurer, il faut aligner les représentations.
La valeur d’un projet peut être :
- Économique, lorsqu’elle se traduit directement en euros (CA, marge, économies) ;
- Opérationnelle, lorsqu’elle se manifeste en productivité, qualité, satisfaction ou réduction des délais.
- Intangible, lorsqu’il s’agit de notoriété ou de satisfaction client par exemple
Même une valeur opérationnelle ou intangible peut être convertie en équivalent économique via des hypothèses raisonnables. L’important n’est pas la précision absolue, mais la cohérence et la transparence des hypothèses.
🎯 L’objectif : recentrer les discussions sur la valeur recherchée plutôt que sur la complexité technique.
Étape 2 – Aligner les langages : le “Business Value Canvas”
Ce tableau simple permet de relier les objectifs métiers aux métriques IT et à la valeur économique estimée.

💡 Astuce : lorsque la donnée exacte n’existe pas, utilisez une proxy metric, une métrique corrélée et mesurable.
Étape 3 – Estimer les projets pour déterminer leur ROI
Le cadrage est la clé.
Un cadrage rigoureux permet de comprendre les besoins, d’évaluer les risques et de poser les bases d’un ROI réaliste.
Même approximatif, un ROI construit sur des hypothèses explicites vaut mieux qu’un arbitrage fondé sur l’intuition ou la politique interne.
Un cadrage prend du temps… mais pas autant que de rattraper un projet mal cadré.
Il faut trouver le bon équilibre :
- une estimation trop fine est coûteuse et peu fiable,
- une estimation trop large est inutilisable.
Et surtout, ne pas oublier le TCO (Total Cost of Ownership) pour mesurer le coût sur la durée.
Étape 4 – Prioriser sur la base de la valeur métier
Une fois la valeur et les coûts estimés, la priorisation devient factuelle.
On peut appliquer cette approche à tous les projets ou se concentrer sur les plus critiques et les programmes stratégiques.
Pour maintenir l’engagement des métiers : vous pouvez accorder un “quota de projets libres”, non soumis à une évaluation stricte de la valeur.
Cela permet de conserver une dynamique positive et d’éviter la frustration.
Étape 5 – Piloter les projets avec une approche orientée valeur
5.1. Décomposer la valeur en unités business
Associer chaque fonctionnalité du projet à sa contribution à la valeur métier permet de :
- Prioriser les développements,
- Définir un MVP réellement orienté impact,
- Maximiser le ROI dès les premières livraisons.
5.2. Intégrer la valeur dans le cycle de vie du projet
- Au démarrage : atelier Value Mapping (métier + IT) pour définir les métriques clés.
- Pendant le projet : tableau de bord partagé avec des indicateurs très concrets (%valeur délivrée, ROI cumulé à date, etc.)
- Après mise en production : rétrospective Value Delivered pour compléter le fameux “lessons learned”.
💡Quelques idées d’outils concrets :
- Tableau de bord DSI : valeur délivrée par la DSI à date, valeur planifiée jusqu’à fin d’année, valeur non planifiée, etc.
- Template Excel “Business Case Light” (1 page max),
- Champs “Business Impact Score” dans Jira/Confluence,
- Instances mensuelles de gouvernance commune Métiers/DSI.
Les limites de l’exercice
Mesurer la valeur n’est pas une science exacte.
Quelques limites à garder en tête :
- Incertitude des hypothèses : les gains ou coûts réels peuvent diverger des estimations.
- Présence de biais : les métiers peuvent “surévaluer” la valeur et les équipes IT peuvent sous-estimer la complexité.
- Valeur non financière : certaines valeurs (amélioration d’image, engagement collaborateurs, impact social ou environnemental) sont difficiles à quantifier.
- Risque d’excès de formalisme : une approche trop lourde peut décourager l’innovation ou ralentir la prise de décision.
- Temporalité : certaines valeurs se révèlent sur le long terme, bien après la mise en production
Mais ces limites ne remettent pas en cause la démarche : elles invitent simplement à la mesure raisonnée.
Conclusion
La quantification de la valeur métier n’est pas une fin en soi, mais un formidable outil de dialogue et de décision.
Elle aide les DSI à sortir du prisme purement technique pour parler le langage du business, et elle aide les métiers à comprendre les enjeux IT.
Mettre la valeur au cœur de la décision, c’est donner du sens aux projets et aligner les efforts sur la stratégie d’entreprise.
Chez EXONANCE, nous en faisons un pilier de notre approche : accompagner nos clients à construire, piloter et délivrer des projets orientés valeur, au service de l’humain et de la performance.
A propos de l'auteur

Willy Rusillon | Fondateur et Dirigeant de la société exonance